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Comme une sérénade sous les fenêtres d’une improbable Juliette, la radio diffuse du reggae sur la place du Château d’Arc-en-Barrois où réside la sélection de la Jamaïque.
En vain. Aucun des membres de la sélection n’apparaîtra au balcon, malgré les soupirants qui se succèdent devant l’entrée. Les 870 habitants d’Arc-en-Barrois, un village situé à une vingtaine de kilomètres de Chaumont, ont pourtant tout fait pour tenter de flatter ces hôtes d’honneur. A la demande du maire, les commerçants ont décoré leurs devantures en jaune, noir et vert, les couleurs de la Jamaïque. Tous, ils ont joué le jeu. De la pharmacie dont la façade est surmontée d’une guirlande de drapeaux jamaïcains jusqu’à la boulangerie qui exhibe un pain rectangulaire de 40×30 cm baptisé “Rasta baguette”. “On ne le vend pas, mais on voulait décorer la vitrine en rapport avec notre métier”, explique la boulangère.
Mais la sélection, et en particulier son mentor brésilien René Simoes, ne se laissent pas séduire. Retranchés dans leur château, dont l’entrée est étroitement gardée par les forces de l’ordre en uniforme, les Jamaïcains ne sortent que pour les entraînements ou pour s’égayer dans le grand parc où patrouille un molosse fermement tenu en laisse par un cerbère.
“Je suis déçue”
Derrière la grille, les curieux se succèdent avec l’espoir de plus en plus ténu d’approcher un joueur. Tout juste obtiennent-ils un lointain salut des Reggae Boyz passant subrepticement du porche de l’hôtel-château au bus, stationné devant.
Laetitia, 16 ans, est venue tous les jours tenter sa chance au château. Résultat, elle n’a jamais vu aucun des joueurs. “Je suis déçue, j’espérais les croiser, voir comment ils sont”, regrette-t-elle après une nouvelle heure d’attente infructueuse.
Décevant comportement d’une équipe que l’on attendait sympathique et folklorique pour sa première participation à un Mondial. Quels plans de bataille peuvent bien abriter les murs du château ? Certainement une tactique infaillible puisque les entraînements, qui se sont déroulés à huis clos les premiers jours, s’ouvrent petit à petit au public mais restent interdits aux journalistes japonais, argentins et croates, les autres nations du groupe H.
Sans compter les inquiets, pour ne pas dire les paranoïaques, qui surveillent aux jumelles qu’aucun de ces importuns ne soient perchés dans les arbres entourant les terrains d’entraînement. “Même les Brésiliens s’entraînent devant un immense public”, s’étonne Ginette Guillemin, secrétaire de l’office du tourisme d’Arc-en-Barrois. “Au début, il y avait toujours une poignée de gens enthousiastes devant l’entrée du château, mais maintenant c’est tombé”, ajoute-t-elle en tempérant que “les joueurs seraient enclins à rencontrer le public mais Simoes ne veut pas”. Dans la salle d’un café-restaurant en face de l’entrée du château, les commentaires ont vite fait de délaisser le capricieux occupant pour un sujet plus brûlant : l’équipe de France.