Lettre 24 – avril 1997 – Dossier – FRANCAIS
Lettre 24 – avril 1997 DOSSIER
Jeu et enjeux sur tapis vert
Quand un joueur oublie de déposer sa mise avant que les jeux ne soient faits, le tapis brûle, comme le dit l’expression consacrée au casino… En matière d’organisation sportive de la Coupe du Monde de Football, il ne s’agit pas d’attendre l’arrivée des joueurs sur le terrain pour régler tous les détails de la compétition ! D’autant que les missions remplies par le Comité Français d’Organisation, en totale collaboration avec la Commission d’Organisation de la FIFA, dépassent largement le cadre de la verte pelouse. Banco !
Une rencontre de Coupe du Monde ne se résume pas, loin s’en faut, au combat sportif acharné que se livrent deux équipes nationales durant 90 minutes ! 105 X 68 m, c’est la dimension requise par la FIFA pour tous les terrains de la Coupe du monde
Auparavant, il aura fallu accueillir les délégations des associations nationales participantes, tout comme les officiels et les arbitres, préserver la qualité de leur préparation, assurer leurs déplacements dans les meilleures conditions, mettre à leur disposition toutes les infrastructures nécessaires, régler le ballet des ramasseurs de balles et des équipes médicales… Autant de tâches qui nécessitent une logistique sans faille et que la Commission d’Organisation de la Coupe du Monde de la FIFA a délégué au Comité Français d’Organisation, selon un cahier des charges très précis.
Equilibre, équité, spectacle Le calendrier de l’épreuve a été arrêté sur proposition du CFO et officialisé par la FIFA. Véritable révolution, le nombre d’équipes participantes est passé de 24 à 32, ce qui, en plus d’ajouter au spectacle et à l’intérêt de la compétition, n’est pas sans conséquence sur son calendrier. Dorénavant, l’épreuve se déroule sur 33 jours (31 jours précédemment) et voit se disputer 64 matches (soit douze de plus) ! Pour organiser ces rencontres, trois priorités ont été définies : équilibre, équité sportive et spectacle.
- Equilibre, car, contrairement aux éditions précédentes, chaque équipe disputera ses trois matches de la première phase dans des stades différents.
- Equité sportive car, contrairement à l’accoutumée, même les têtes de série n’auront pas le privilège d’évoluer dans le même stade. On se souvient de la World Cup 1994 où l’Italie, à New-York, et le Brésil, à San Francisco, avaient pu bénéficier des encouragements des impressionnantes colonies formées par leurs compatriotes exilés venus grossir les rangs de leurs supporters…
- Spectacle enfin, car chaque ville accueillera neuf à douze formations différentes, dont au moins deux têtes de séries, ainsi qu’un huitième ou un quart de finale. Un programme garantissant une fabuleuse diversité des affiches proposées aux spectateurs, ainsi qu’un large tour d’horizon des différents styles de jeu du football mondial.
L’originalité du calendrier de FRANCE 98 est un choix défendu par Michel Platini, coprésident du CFO : “Nous voulons que le public français en voie le plus possible ! L’important, pour nous, est de faire tourner les équipes… De plus, en France tous les sites sont proches et, avec cinq à six jours entre chaque match, je pense que ça ne posera pas de problèmes de récupération aux équipes.”
Pour parer aux éventuellles critiques de ce calendrier, le Comité Français d’Organisation a porté ses efforts sur son dispositif logistique et a veillé à offrir des infrastructures de qualité, destinées avant tout à faciliter le quotidien de chaque sélection durant la compétition.
Hôtels particuliers La direction Logistique du CFO, dirigée par Odile Lanceau, s’est ainsi mise en quête de lieux capables d’accueillir, dans les meilleures conditions, les 32 délégations. Au total quatre-vingts établissements avaient été de prime abord retenus, avant que soixante d’entre-eux ne figurent sur le guide des hôtels proposés aux équipes. Soit, en moyenne, six ou sept propositions d’hôtels par site, ce qui offre une importante liberté de manoeuvre pour les délégations. Ces hôtels se doivent de posséder bien évidemment quelques caractéristiques incontournables et, notamment, proposer un minimum de 35 chambres afin d’accueillir une délégation de 40 personnes (22 joueurs et 18 dirigeants), la configuration idéale car elle donne droit à une prise en charge financière intégralement assurée par la FIFA.
Cependant, en 1998, certaines délégations devraient être bien plus importantes, à l’image de celle de l’Allemagne (si, bien sûr, elle se qualifie), qui pourrait compter pas moins de 80 personnes. Outre-Rhin, on n’a pas pour habitude de lésiner sur l’intendance ! Ce surplus d’effectif est alors pris en charge par la fédération de football d’origine de la délégation.
Outre leur capacité, les hôtels devront offrir le calme et l’isolement nécessaires à la préparation sereine des équipes, être localisés à 15 minutes maximum d’un terrain d’entraînement et disposer de certains équipements (piscine, salle de sport, salle de soins, jacuzzi…). Dénicher ces bonnes adresses n’a pas été tâche facile, même si la qualité de l’infrastructure hôtelière existant en France est bien réelle. Les conditions imposées par le CFO sont assez restrictives. Pas question en effet qu’un séminaire d’entreprise organisé dans le même hôtel, ou, pire encore, une réception de mariage, ne vienne perturber la récupération des joueurs !
Autre situation difficile à gérer, l’obligation de faire une place au cuisinier particulier que chaque délégation emmène dans ses bagages pour être certaine du respect le plus total de ses habitudes alimentaires. Si les Italiens sont ainsi ravis de trouver des pâtes “al dente” ou des plats suffisamment relevés d’épices pour les Sud-Américains, on imagine sans peine la réticence des chefs français face à ce genre de cohabitation, pour ne pas dire d’intrusion, gastronomique !
Pour accomplir cette mission, le CFO a bénéficié de l’appui du groupe Accor, leader mondial de l’Hôtellerie et des Services aux entreprises, et a travaillé en collaboration avec Mondiresa, centrale de réservation exclusivement dédiée à la Coupe du Monde de la FIFA-FRANCE 98.
Officiers et gentleman Les terrains d’entraînement ont, eux-aussi, fait l’objet d’une surveillance rapprochée. “A partir des hôtels choisis, nous avons répertorié près de 150 terrains d’entraînement répondant à certaines caractéristiques et nous les avons tous visités,” précise Jacques Grospeillet, responsable de la Compétition au sein du CFO. “Ces terrains ont été retenus selon trois critères : la qualité des pelouses et des infrastructures (vestiaire équipé, éclairage…), la sécurité (à la demande de certaines équipes, les entraînements doivent pouvoir se dérouler à huis clos) et la proximité avec les hôtels.
Le CFO doit également mettre à la disposition de chaque délégation une équipe d’accompagnement, composée d’un Officier de liaison, véritable interface avec l’organisation, présent 24h/24 et chargé de régler tous les problèmes d’intendance, et de trois officiers de sécurité.
Autre priorité du comité, assurer dans les meilleures conditions les nombreux déplacements des délégations. Pour les transferts locaux, chaque délégation bénéficiera d’une flotte de véhicules conduits par des chauffeurs de l’organisation, qui comprendra un autocar, un monospace, deux voitures particulières et un véhicule utilitaire pour le transport des bagages.
Les soins du corps arbitral Le corps arbitral bénéficiera lui aussi d’une attention toute particulière. “La réussite d’une Coupe du Monde dépend aussi, et surtout, de la qualité du jeu fournie par les compétiteurs, et de la prestation des arbitres “, analyse Joël Quiniou, Chef de projet compétition du CFO. Un homme qui connait bien son sujet puisqu’il a arbitré une centaine de matches internationaux, et a participé à trois éditions de la Coupe du Monde, avec, en points d’orgue, la demi-finale de la World Cup 1994 entre l’Italie et la Bulgarie et la finale pour la troisième place du Mondiale 1990. ” La portée de l’événement fait peser une telle pression sur les épaules de l’arbitre, qu’il faut essayer de dédramatiser afin de lui permettre de garder tout son self-control. Il n’en sera que plus performant sur le terrain… Cela fait partie des missions du CFO de placer les arbitres dans les meilleures conditions.”
Placer les arbitres dans les meilleurs conditions, c’est aussi notre mission affirme Joël Quiniou, ex-arbitre international, chef de profjet compétition au CFO.
Joël Quiniou (au centre)
Les 64 arbitres qui participeront à la Coupe du Monde de la FIFA-FRANCE 98 séjourneront au nord de Paris, dans un hôtel situé idéalement à proximité de l’aéroport de Roissy et de sa gare TGV, véritable plaque-tournante pour se rendre indifféremment sur un des sites de la compétition. Là, les hommes en noir bénéficieront de toutes les facilités pour préparer leurs rencontres : suivi physique et médical, terrains d’entraînement, matériel de traduction et moyens de transports efficaces.
Ouvrir le banc Enfin, les vestiaires, zones sensibles d’avant et d’après-match, devront être équipés en vertu d’un cahier des charges très strict élaboré de concert avec la FIFA. Il impose une surface minimum de 70 m2, avec des sièges et des casiers fermés à clé, pour un effectif de 22 joueurs et 3 entraîneurs (soit une dizaine de plus que pour un match officiel classique). Même le banc de touche d’un match de Coupe du Monde est plus long que celui d’une rencontre de championnat !
Urgences Une structure médicale sera présente sur la totalité des sites. Chaque stade sera équipé d’une infirmerie “joueurs”, dirigée par un médecin “médicalisé CFO” possédant la double qualification de médecin du sport et de réanimateur-urgentiste. Il travaillera en collaboration avec les médecins de chaque délégation.
” Si, par exemple, un joueur se blesse et reste au sol durant une rencontre, le médecin de l’équipe à la priorité pour appliquer les premiers soins. Mais, en cas de trop grande détresse et, en particulier si une fracture est décelée, le médecin médicalisé CFO prendra à son tour le blessé en charge, ” souligne le Docteur Nahon, Médecin manager général adjoint. Une équipe de secouristes “pelouse” aura également la possibilité d’intervenir avec un petit véhicule électrique pour accélérer l’opération d’évacuation du blessé.
Les enfants de la balle On le sait, la participation de la jeunesse à la Coupe du Monde est une des priorités des organisateurs. Le CFO et la FFF ont ainsi souhaité faire appel, lors de chaque match, à 14 petits ramasseurs de balles, qui seront remplacés par 14 autres à la mi-temps, au lieu des 10 ramasseurs prévus initialement pour toute la durée d’une rencontre, comme le préconisait le cahier des charges.
Voilà une des initiatives prises en faveur des jeunes, parmi beaucoup d’autres qui seront dévoilées très prochainement par le CFO.
Les rigueurs du protocole De l’ordre d’entrée des équipes, des arbitres et des officiels à l’organisation des levers de rideaux, de l’interprétation des hymnes officiels à l’application des mesures de sécurité, chaque étape de l’organisation d’une rencontre de Coupe du Monde est minutée avec une infinie précision par la FIFA. Il est vrai qu’avec 37 milliards de téléspectateurs attendus (en audience cumulée) et 2,5 millions de spectateurs présents dans les stades, FRANCE 98 sera bien l’Evénement majeur de cette fin de siècle.
Gazons bénis Parmi les nombreuses missions qui incombent au département Compétition du CFO, figure l’entretien des terrains. Si les stades qui accueilleront les rencontres de FRANCE 98 ne seront livrés, clés en main, qu’un mois environ avant le coup d’envoi de l’épreuve, un expert envoyé par une société spécialisée a déjà été désigné. L’oeil inquisiteur, le nez dans le gazon, il surveille attentivement les pelouses qui seront foulées par les stars du ballon rond, prêt à délivrer l’ordonnance qui leur prodiguera les soins adéquats en cas de maladie ou de détérioration.
Pour la future pelouse du Stade de France, un véritable plan de bataille a été mis en oeuvre. Il a fallu tout d’abord reconstituer, à l’orée de la forêt de Fontainebleau, un sol de même composition que celui de l’enceinte de Saint-Denis et définir la nature des semis. C’est un mélange de Ray-grass anglais (réputé pour sa résistance) et de Pâturin des prés (à cause de sa densité) qui a ainsi été semé sur 60 hectares. Après plusieurs mois de pousse sous étroite surveillance, à l’abri des taupes et des sangliers, et des apports réguliers de “vitamines”, cette gazonnière sera découpée en 9 000 plaques de 73 par 120 cm, sur 6 cm d’épaisseur, acheminée par camions puis déposée par un robot spécialement conçu pour cette tâche… La Coupe du Monde mise beaucoup sur le tapis vert !
En accord avec la FIFA, tous les terrains de FRANCE 98 seront de mêmes dimensions : 105 mètres de long pour 68 mètres de large. Et, détail qui peut avoir son importance quand un tir s’écrase sur la barre transversale, toutes les cages de but seront équipées de barres à section ronde et non pas ovale…