FRANCE 98 – Feuille de présentation du match n°55
Libérée par son succès sur la Colombie, l’équipe d’Angleterre partira sans complexe à l’assaut de la forteresse d’Argentine mardi soir (21h00) à Saint-Etienne dans un huitième de finale explosif, nourri d’adrénaline et de souvenirs.
Trois matches, trois victoires, aucun but encaissé, sept marqués, dont quatre pour Gabriel Batistuta: sans jamais forcer son talent, l’équipe de Daniel Passerella a justifié la flatteuse réputation qui l’avait précédée. Mais l’Angleterre prétend s’en moquer. Depuis la qualification d’Alan Shearer et ses camarades, la presse britannique n’a qu’un seul mot à la bouche: ” Revanche “.
Non, dans un pays qui a inventé le mot ” fair-play “, nul n’a oublié ce quart de finale dramatique (3-2) du Mundial 1986, au Mexique. La guerre des Malouines lui servait de toile de fond, et dans la fournaise du stade Aztèque, le bras vengeur de Diego Maradona s’était élevé, anticipant la sortie de Peter Shilton pour rabattre le ballon au fond des filets. ” C’était la main de Dieu “ avait expliqué le ” Pibe de Oro “.
Alors qu’importe si le génial argentin avait ensuite réalisé le plus extraordinaire numéro de soliste de l’histoire de la compétition. L’Angleterre ne voulait retenir qu’un geste et le sentiment d’injustice qu’il avait suscité. Elle y revient depuis de façon chronique, comme si la rancoeur était le seul moteur de son équipe. A tort.
Si Glenn Hoddle garde une cicatrice douloureuse de cet après-midi mexicain, le sélectionneur anglais souhaite faire passer à ses joueurs d’autres messages que le récit amer de cette bataille perdue. ” D’ailleurs, je n’aime pas le mot revanche “, assure-t-il. Une opinion prolongée par son capitaine. ” Nous sommes venus en France pour gagner la Coupe du monde, et battre l’Argentine, c’est d’abord passer un tour supplémentaire “, rappelle le pragmatique Alan Shearer.
Cette équipe d’Angleterre a décidé de regarder droit devant elle, de ne pas ruminer son échec face à la Roumanie qui l’oblige à affronter prématurément un adversaire du calibre de l’Argentine. D’être positive. ” Si nous avions du jouer contre la Croatie, estime Hoddle, nous serions partis favoris. Là, je suis certain que mes joueurs vont être sur leurs gardes. Il faut que nous abordions ce match avec la même agressivité collective que contre la Colombie “.
L’Argentine au révélateur
Avec le même dispositif offensif? C’est une autre histoire. S’il n’avait pour souci que de plaire à l’opinion publique, le sélectionneur anglais reconduirait les vainqueurs des Colombiens. Mais peut-il se permettre d’aligner cinq joueurs à vocation offensive face à une formation aussi solide techniquement et tactiquement que celle de Daniel Passarella? “Son système est complètement différent de celui de la Colombie”, analyse Hoddle. ” Nous ne pourrons jouer comme à Lens pendant 90 minutes “.
Si le mot peur est banni du vocabulaire des joueurs anglais, l’évocation du potentiel argentin engendre des interrogations. ” Il est difficile de s’en faire une idée “, confie Shearer. ” Elle a eu un premier match en demi-teinte contre le Japon, ensuite la Jamaïque a craqué. Face à la Croatie, elle était déjà qualifiée. En fait, nous allons lui servir de révélateur “.
Alors cette équipe ” albiceleste ” est-elle le ” monstre ” annoncé. En transformant le centre d’entraînement de l’Etrat en véritable camp retranché, Passarella a conforté la plupart des observateurs dans cette idée. Et c’est vrai que son équipe est superbement armée avec, derrière, ces vieux guerriers rodés aux joutes du Calcio, ce milieu de terrain où même les besogneux ont la semelle délicate, et devant ce duo aussi redoutable que complémentaire, Gabriel Batistuta-Ariel Ortega.
Est-ce trop fort pour l’Angleterre? ” Techniquement, nous ne sommes pas les Brésiliens, mais nous avons du coeur, prévient Shearer. Pour les gros matches, vous pouvez compter sur nous “. Cela promet.