FRANCE 98 – Feuille de présentation du match n°62
L’équipe de France se trouve aux portes de la légende. Pour y entrer, il lui faut battre, mercredi soir (21h00) au Stade de France, la Croatie, invitée-surprise des demi-finales de la Coupe du monde.
Jamais une équipe de France n’est parvenue à se hisser en finale du sport le plus populaire et le plus universel. L’équipe de 58, avec Kopa, Fontaine et Piantoni, celles de 82 et 86 emmenées par Platini, Tigana, Giresse, Bossis et Amoros, ont échoué toutes trois au stade des demi-finales.
“On peut entrer dans l’histoire en réalisant quelque chose que personne n’a accompli jusque là”, souligne Youri Djorkaeff. Laurent Blanc, lui, voit encore plus loin. “Ce que je veux, c’est gagner la Coupe du monde”, assène le “libérateur” de France-Paraguay.
Mercredi, les Bleus ne retrouveront pas l’Allemagne qui crucifia par deux fois l’équipe de France en demi-finales, d’abord à Séville, puis à Guadalajara. Gagnent-ils au change en affrontant les surprenants Croates ? Pas certain.
“Psychologiquement, il était peut-être plus facile d’affronter l’Allemagne”, remarque Aimé Jacquet qui repousse cependant énergiquement toute idée de déconcentration face à un adversaire, a priori un peu plus facile. “Que je sache, la Croatie a battu l’Allemagne, championne d’Europe en titre, 3-0. Cela se passe de commentaire” !
Un adversaire de grande qualité
Sur le plan de la qualité du jeu, les Croates paraissent nettement au-dessus des Allemands. Ils sont allés crescendo au fil des rencontres. Victorieux sans convaincre devant la Jamaïque (3-1) et le Japon (1-0), ils se sont ensuite inclinés contre l’Argentine (0-1). Avant de prendre la mesure de la Roumanie (1-0) et de l’Allemagne.
“La Croatie, c’est du talent, de la technique, mais désormais aussi de la rigueur”, estime Didier Deschamps. Au talent inné de ses joueurs, Miroslav Blazevic a su apporter de la discipline et faire de cette somme d’individualités une véritable équipe.
Le rusé sélectionneur, qui se dit l’ami du président croate Franjo Tudjman, est par ailleurs un fin psychologue, doublé d’un maître de l’intox. Il s’y entend pour jouer sur le registre de la fibre patriotique. Et les Français peuvent être certains de l’extrême motivation de Boban et ses coéquipiers.
Une victoire en Coupe du monde serait une formidable caisse de résonance pour ce pays dont la reconnaissance internationale remonte à 1992. Il apporterait en outre beaucoup de joie à un peuple qui a beaucoup souffert de la guerre.
Physique contre technique
Sur le plan du mental, si important dans le sport de haute compétition, il devrait donc y avoir égalité, car les Français seront, eux aussi, très motivés. Tous les Bleus ne rêvent que d’une chose: brandir la Coupe au soir du 12 juillet.
La différence se fera donc ailleurs. Sur la technique (avantage aux Croates), sur le physique (avantage aux Français) et la tactique.
En schématisant, ce premier France-Croatie de l’histoire pourrait se résumer à un affrontement entre, d’un côté, le physique et la rigueur française, de l’autre, la technique et l’inspiration croate. Entre le bloc défensif français et les individualités de l’attaque croate.
Dans ces conditions, et dans la mesure où il ne faudra surtout pas laisser d’espaces aux Suker (33 buts en 41 sélections), Boban, Vlaovic, Asanovic et Stanic, Aimé Jacquet pourrait reconduire l’organisation de jeu mise en place contre l’Italie avec trois récupérateurs (Deschamps, Petit, Karembeu), afin de gagner la bataille du milieu et priver l’adversaire de ballons.
A moins qu’il ne “sacrifie” un récupérateur au profit du percutant attaquant Thierry Henry afin de déstabiliser la défense croate, souvent réduite à trois éléments (Bilic, Stimac, Simic).
La France favorite ?
Pour Blazevic, qui connaît bien le football français pour avoir entraîné le FC Nantes de 1988 à 1991, l’équipe de France est “favorite à domicile”. “Nous sommes l’outsider, clame-t-il. Les joueurs français évoluent presque tous dans de grands clubs européens”. Passant volontairement sous silence le fait que Suker joue au Real Madrid, Boban au Milan AC, et que quasiment tous les croates appartiennent à des clubs italiens, anglais, espagnols ou allemands.
Jacquet n’est pas dupe de ce petit jeu et a bien mis en garde ses joueurs contre tout excès d’optimisme. Il assure par ailleurs que ses troupes ont bien récupéré des deux prolongations disputées successivement contre le Paraguay et l’Italie.
Mercredi soir, la France, qui s’est piquée peu à peu au jeu de la Coupe du monde, retiendra son souffle. Les 80.000 spectateurs du Stade de France et les 15 millions de téléspectateurs français attendus pour l’événement pousseront tous dans le même sens. Mais seule la vérité du terrain tranchera.