FRANCE 98 – Espagne 1982
Poussive en début de tournoi, l’équipe d’Italie, métamorphosée par le réveil de son buteur Paolo Rossi, remporte sa troisième Coupe du Monde. Mais ce Mundial espagnol demeure également le théâtre de deux matches de légende, Brésil-Italie, et surtout un certain France-Allemagne, en demi-finales.. |
Aucun pays n’aura bénéficié d’autant de temps pour préparer son affaire. L’organisation de la douzième Coupe du Monde a en effet été confiée par la FIFA à l’Espagne dès… 1964! C’est dire que cette dernière a disposé de 18 ans pour préparer la Phase Finale d’une compétition ouverte, pour la toute première fois, à vingt-quatre nations, contre seize seulement par le passé.
Avec ce nouveau format, l’Europe comptera désormais treize qualifiés, l’Amérique du Sud trois, l’Afrique deux, l’Asie-Océanie deux, la zone Concacaf (Amériques centrale et du Nord) deux, auxquels il convient d’ajouter l’Espagne, pays organisateur, et l’Argentine, tenant du trophée. Cette nouvelle donne entraîne également quelques modifications dans le déroulement de l’épreuve, celle-ci comprenant trois phases distinctes: un premier tour, avec six groupes de quatre équipes, donnant deux qualifiés par groupe; un deuxième tour avec quatre groupes de trois équipes, qualifiant chacun une équipe; enfin, les demi et la finale.
Bien qu’élargie à vingt-quatre pays, la phase finale se dispute sans le dernier finaliste de l’épreuve, les Pays-Bas, éliminés par la France lors des éliminatoires. Les hommes de Michel Hidalgo éprouvent cependant les pires difficultés à arracher leur qualification pour le deuxième tour. Après une entame catastrophique face à l’Angleterre (3-1), contre laquelle ils encaissent le but le plus rapide de l’histoire de la Coupe du Monde (Robson à la 27ème… seconde de jeu!), ils dominent le Koweït (4-1), puis obtiennent un nul salvateur contre la Tchécoslovaquie (1-1).
Ils ne sont toutefois pas les seuls à se donner quelques frayeurs lors de ce premier tour. L’Allemagne, battue par l’Algérie (2-1), ne doit son salut qu’à une victoire “arrangée” contre son voisin autrichien. Quant à l’Italie, elle n’élimine le Cameroun qu’à la faveur d’un plus grand nombre de buts marqués.
Partis prudemment, si l’on peut dire, Français, Allemands et Transalpins réalisent, en revanche, un parcours sans faute au deuxième tour, ce qui n’est ni le cas du Brésil (éliminé par la Squadra Azzura au terme d’une divine partie), ni de l’Angleterre, qui s’étaient pourtant montrés fort impressionnants jusque-là.
Si la première demi-finale ne réserve que peu de suspense, l’Italie (grâce à deux buts du revenant Paolo Rossi) se montrant bien trop supérieure à la Pologne, on ne peut en dire autant de la seconde. Le France-Allemagne du 8 juillet 1982 à Séville a bien vite dépassé le cadre de l’histoire pour entrer de plain-pied dans la légende. Sublime, dramatique et cruel, ce match laissera des regrets éternels aux Français. Revenus au score, grâce à un penalty de Platini (l’Allemand Littbarski avait ouvert la marque), ceux-ci auront à trois reprises, au moins, l’occasion de l’emporter. Dans le temps réglementaire d’abord, lorsqu’à la 90ème minute le tir d’Amoros s’écrase sur la barre transversale du gardien allemand Schumacher, qui s’était signalé quelques instants auparavant par une agression sur Battiston. Lors des prolongations, ensuite, en se détachant 3-1, suite à deux buts de Trésor et Giresse. Lors de l’inhumaine séance des tirs au but, enfin, lorsque Stielike échoue dans sa tentative. Mais il est très vite imité par Six et Bossis. L’avant-centre allemand, Hrubesch, ne se fait, lui, pas prier pour expédier les siens en finale (5-4).
Celle-ci consacre fort logiquement l’Italie (3-1) et une génération d’exception (Cabrini, Gentile, Scirea, Antognoni, Tardelli, Graziani, etc…). Paolo Rossi, dont le réveil a métamorphosé la Squadra Azzurra, se signale par un nouveau but (son 6ème, et décroche ainsi le titre de meilleur réalisateur du tournoi), ce qui vaut au… quadragénaire Dino Zoff (quarante ans, quatre mois et treize jours) de recevoir la Coupe du Monde des mains du Roi d’Espagne Juan Carlos. Et l’Italie devient, avec le Brésil, le seul pays à avoir remporté trois Coupes du Monde.
MARIUS TRESOR Le héros malheureux
Le temps a filé, mais le souvenir est resté gravé à jamais. Séville, 8 juillet 1982. La France et l’Allemagne sont encore à égalité 1-1 dans les prolongations, lorsque Marius Trésor, esseulé au point de penalty, catapulte d’une magistrale reprise de volée, le ballon sous la barre d’Harald Schumacher. La France mène alors 2-1, et bientôt 3-1, grâce à un but d’Alain Giresse. Elle n’est qu’à une vingtaine de minutes d’une finale… qu’elle ne disputera pourtant pas. “Au cours de ma carrière, j’ai inscrit quatre buts en équipe de France, rappelle Trésor, aujourd’hui retiré à Castelnau-de-Médoc, dans la région bordelaise. Même si tout le monde a gardé ce but en mémoire, ce n’est pas celui que je préfère. Je retiens plus volontiers celui marqué au Maracana contre le Brésil.”
Mais Séville le rattrape de nouveau. “Je garde de notre demi-finale contre l’Allemagne un souvenir très mitigé, dit-il. A la fois la satisfaction d’en être arrivé-là après notre départ catastrophique contre l’Angleterre et aussi… beaucoup de regrets. Je crois même que ce match constitue ma plus grande déception de footballeur. Car cette finale, on devait la jouer…“
Et d’ajouter: “Je ne pensais pas qu’on réaliserait un tel parcours. Mais les joueurs qui composaient le groupe se connaissaient très bien pour avoir disputé ensemble, pour la plupart, la Coupe du Monde 1978 en Argentine. De plus, après notre défaite contre l’Angleterre (3-1), on a réagi collectivement, en se disant qu’on ne pouvait pas jouer plus mal. Et l’équipe est ainsi montée en régime au fil des tours.” Pour le résultat que l’on sait…